Julien Benda et la trahison des clercs (2/2)

Julien Benda constate qu’à la fin du XIXème, les clercs ont choisi un chemin nouveau : ils ont trahi. Conséquence de cet état de fait ? La réduction de l’universel au particulier, en particulier au niveau moral. Les grands systèmes moraux occidentaux (que ce soit le christianisme, l’humanisme ou la philosophie des Lumières dans sa version kantienne par exemple) ont toujours cherché des principes qui puissent s’appliquer à tous, en tous temps, et formulent, chacun à sa manière, une variante de la règle d’or.

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Julien Benda et la trahison des clercs (1/2)

Julien Benda a écrit la Trahison des clercs dans les années 20 (du XXème siècle) et voilà qu’on peut le lire dans les années 20 (du XXIème siècle) et trouver qu’il est toujours d’actualité.

Sa thèse ? Les intellectuels de son époque ont trahi leur mission initiale. Celle-ci était simple : s’occuper des valeurs éternelles et transcendantes (parmi lesquelles la vérité, la justice et la raison) pour mettre un frein aux passions de leurs temps. Mais voilà que les intellectuels ont renoncé à cette vocation millénaire pour descendre dans l’arène et devenir les agitateurs et les propagateurs des passions de leur temps.

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Bienvenue à Wokeville (1)

En novembre 2018, je suis parti vivre dans le Massachusetts pour des raisons familiales. J’ai emménagé dans l’ouest de l’état, une zone un peu enclavée, bien loin de Boston et de la mégapole de la côte est. J’ai vécu six mois dans une ville qui avait été un centre extrêmement important de la région jusque dans les années cinquante, et six mois dans une petite ville que je ne nommerai pas ici explicitement, et que j’appellerai Wokeville.

Pendant cette année-là, j’ai vécu dans un monde que je n’imaginais pas exister, une sorte d’univers parallèle totalement surréaliste, une des villes dans lequel le mouvement que l’on appelait pas encore woke en français, s’épanouit joyeusement.

J’ai tenu six mois.

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Des Japonais à Jérusalem (2/2)

(Suite de la première partie).

Dès le début, Teshima considère, à l’instar de Uchimura Kanzō, dont il fréquentait le mouvement, que le christianisme tel qu’il a été amené par les occidentaux est trop… occidental. Ce qu’il veut, c’est retrouver le christianisme originel, tel que vécu par les apôtres. Et pour cela, il ne voit qu’une solution : demander aux Juifs. Or voilà que la même année que Teshima a eu son expérience sur le mont Asso, l’état d’Israël a été recréé. après avoir disparu pendant près de 1800 ans. Pour Teshima, la portée de cet événement est universelle : il s’agit là de l’accomplissement de la promesse des prophètes qu’un jour les Juifs reviendront sur leur terre.

En 1954, Teshima rencontre un Israélien dans le train, le professeur Israel Slominitzky, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem dans le département d’agriculture, et membre du kibboutz Beit Alfa (affilié à la Shomer Hatzair, le mouvement communiste, farouchement antireligieux). Ils deviennent amis : c’est le premier pont avec Israël.

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Des Japonais à Jérusalem (1/2)

C’est un groupe étonnant : un groupe de Japonais sionistes. Un groupe que les Hiérosolymitains connaissent souvent de façon un peu confuse. On les voit une fois par an faire une parade au moment de Soukkot, et de temps en temps au Kotel. Lorsqu’ils s’y rendent en groupe, au moment de leur pèlerinage annuel, ils sont habillés avec une tenue bleue qu’on ne peut pas louper. Parfois ils viennent même en tenue traditionnelle, en kimono. Ce groupe, ce sont les Makuya. Portrait d’un mouvement né en même temps qu’Israël et ami d’icelui depuis.

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Un mythe moderne 2/2

(Suite de la première partie)

L’ouvrage de Jung Un Mythe moderne, a été publié en 1958, trois ans avant son décès. Il serait abusif de dire que c’est son livre testament (dans cette catégorie on lira plutôt Essai d’exploration de l’inconscient), mais c’est un livre dense, qui agglomère énormément de concepts clé de l’auteur. Pour cette raison, c’est un livre difficile d’accès, et, si on le prend pour le sujet qui semble être le thème principal, on est souvent un peu déçu.

L’ouvrage semble se répéter et ouvrir des parenthèses qui partent loin, parfois à première vue un peu trop loin du sujet.

On peut se dire que c’est un livre un peu brouillon, écrit au fil de la plume, et en rester là. Ou on peut faire l’hypothèse que c’est un livre construit et pensé pour être tel qu’il est, et faire un effort de lecture pour voir si il n’en dit pas un peu plus que ce qu’il semble dire.

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Un mythe moderne (1/2)

C’est une question philosophique et existentielle absolument fondamentale à la laquelle les penseurs à la mine grave (dont, heureusement, votre serviteur ne fait pas partie) ne songent pratiquement jamais, faute de pouvoir y répondre d’une façon ou d’une autre. Y a-t-il oui ou non de la vie en dehors de la terre ? Et si, oui, est-elle intelligente ?

C’est une question fondamentale, parce que, quelle que soit la réponse, tout prend un sens différent.

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De quoi parlait Confucius exactement ? (2/2)

(Suite de la première partie).

Reprenons notre problème à la base. Nous avons donc un chapitre des Analectes qui présente une difficulté certaine. D’un côté, le texte dit clairement que Confucius parlait rarement du rén (仁), de l’autre, le texte dont nous disposons semble indiquer le contraire : cent neuf occurrences sur un total de cinq cents chapitres environ.

Comment comprendre cela ?

Dans la première partie, nous avons présenté différentes explications traditionnellement amenées pour expliquer cet écart. D’un côté des explications textuelles (le caractère x, que l’on lit d’habitude de cette façon, doit être lu d’une autre manière), de l’autre, des commentaires sur le sens, qui essayent de le moduler un peu afin de coller plus à la réalité.

Nous avons expliqué que ces différentes approches nous paraissaient insatisfaisantes, parce qu’elles font souvent l’économie de l’effort de l’exégèse. Comme si il s’agissait de résoudre le problème afin de l’effacer, plutôt que de le regarder en face et de lui donner un sens.

Ce que nous allons tenter de faire, à une très modeste échelle, dans cette deuxième partie.

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De quoi parlait Confucius exactement ? (1/2)

Les Entretiens de Confucius est un texte aussi court que dense. Pour cette raison, il arrive que certains passages soient un peu obscurs, voire à la limite de l’intelligibilité. Ce qui donne aux traducteurs des maux de tête sans fin, et aux commentateurs de quoi jouer.

Certains passages, après avoir été discutés pendant près de deux mille cinq cents ans, ne font toujours pas l’unanimité. Le plus connu ? Probablement le premier paragraphe du livre neuf.

Une phrase de huit caractères seulement dans la version originale, qui semble, a priori toute simple et qui soulève en réalité des montagnes de problèmes. Abordons la montagne à son pied pour essayer de la gravir.

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Pour une approche hébraïque de Confucius

Bryan Van Norden, l’un des meilleurs spécialistes de la pensée chinoise antique de notre époque, consacre une annexe de son livre sur le sujet à ce qu’il appelle « notre vision du monde et la leur » (1). Son but ? Permettre au lecteur occidental de prendre conscience d’un certain nombre de présupposés généralement admis à notre époque qui viennent obscurcir la lecture des philosophes chinois classiques tant ils sont éloignés de la vision du monde de ces derniers.

En préambule, il donne un exemple concret, tiré du premier paragraphe des Analectes, qui dit : « Etudier et mettre en pratique au moment prescris ce que l’on a appris, n’est-ce pas une grande joie ? » (2)

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